Focus sur un procédé de fabrication épaulé par son jumeau numérique plus que jamais performant dans la production de pièces techniques : le moulage par injection des thermoplastiques
28 avril 2021
Par Gilles Régnier
Ils demandent peu d’énergie pour être synthétisés et mis en forme, ils contribuent largement à l’allègement des pièces et des produits, et l’utilisation de polymères bio-sourcés, voire biodégradables prend une part grandissante du marché : en bref, ce sont des matériaux d’avenir qui contribueront à la diminution de l’empreinte carbone dans la société de demain.
Un des procédés clés pour mettre en forme ces matériaux en grande série est le moulage par injection (53% du CA de la plasturgie en 2015). Même si ce procédé est un des plus anciens pour ces matériaux, il est sans cesse revisité pour en améliorer ses performances et le Pimm y contribue, à sa mesure, avec pas moins de 10 thèses dans le domaine en deux décennies, mais illustrons plutôt l’activité de recherche et développement par un zoom sur les 5 dernières années.
L’amélioration des propriétés mécaniques, en particulier l’allègement des pièces moulées par injection passe par le renforcement des thermoplastiques par des fibres et de fait l’amélioration continue du jumeau numérique de ce procédé. C’est autour de ces matériaux et du jumeau numérique que les dernières thèses se sont soutenues ou se déroulent actuellement.
Lors du remplissage du moule, l’écoulement de la matière issue très souvent de plusieurs points d’alimentation dans une géométrie complexe induit de nombreuses lignes de soudure de flux avec des propriétés mécaniques qui peuvent chuter localement de plus de 50%. Le Research Campus de la société Bosh (Allemagne) nous a demandé dans le cadre de la thèse de Besher Baradi (soutenue en juillet 2019) d’étudier la possibilité de définir un outil permettant de prendre en compte ces lignes de soudure dans le dimensionnement des pièces au lieu et place d’un coefficient de sécurité très important sur les contraintes. Nous avons montré que la tenue mécanique dépendait à la fois du gradient d’orientation des fibres dans ces zones et de l’histoire thermique dans l’épaisseur de l’interface qui conditionne l’interdiffusion des macromolécules. Un outil numérique prédictif, à l’interface entre les codes Moldflow©et Abaqus© a fait l’objet d’un dépôt de brevet.
Le remplacement des fibres de verre par des fibres naturelles dans un nouveau matériau développé par Faurecia (NAFILean®) est une réponse aux objectifs environnementaux du secteur automobile tout en permettant un gain de rigidité spécifique. Malheureusement, la prédiction des retraits et des déformées des pièces moulées par injection avec ce matériau engendrait des coûts de prototypage très élevés. Faurecia nous a demandé de chercher des pistes pour améliorer le jumeau numérique dans le cadre de la thèse d’Antoine Dupuis soutenue en février 2021. Un nouveau critère de solidification pour les polymères semi-cristallins, la prise en compte de l’anisotropie mécanique des fibres naturelles dans un nouveau modèle d’homogénéisation et l’augmentation de la teneur en fibre avec la longueur d’écoulement a permis d’améliorer significativement les prédictions. Antoine Dupuis a également mis au point une mesure rapide et originale de la cartographie des retraits de plaques injectées par corrélation d’images numériques qui permet d’établir un dialogue entre le procédé et son jumeau numérique.
La prédiction de la cinétique de cristallisation induite par l’écoulement est primordiale dans le procédé d’injection pour prédire les retraits et déformation. Hélas, malgré les nombreux efforts des équipes de recherche dans le monde, la modélisation de la physique de ce phénomène demeure un verrou scientifique tenace et difficile à lever. Ainsi, nous collaborons, dans le cadre de la thèse de Sandra Saad qui est financée par le Research Campus de Bosch et qui a démarré en juillet 2019, avec Amine Ammar du laboratoire LAMPA du campus Ensam d’Angers. Nous cherchons à développer un modèle thermodynamique de cristallisation dont l’identification des paramètres et des coefficients serait pilotée par les données expérimentales (data-driven hybrid model) avec pour principe la minimisation de l’écart entre les mesures et les résultats de simulation.
Enfin la plastification de la matière renforcée par des charges ou des pigments peut entrainer une dégradation par thermolyse, thermo-oxydation ou hydrolyse induisant des coupures de chaînes. Pour des polymères proches de leur masse molaire critique qui vise à garantir une bonne fluidité du matériau pour remplir les moules de pièces à parois fines, les premiers effets de dégradation chimique peuvent entrainer une dégradation significative des propriétés à rupture. La société APTIV confronté à des casses aléatoires de connecteurs en PBT, a demandé à Emmanuel Richaud et Gilles Régnier d’encadrer la thèse de Camille Loyer (soutenance prévue en nov. 2021) pour comprendre les mécanismes physico-chimiques associée à cette perte de propriétés mécaniques.
Nous avons également collaboré en direct avec de nombreux industriels sur des projets de R&D dans le cadre de projet de fin d’études, de master de l’Ensam et de post-doctorats.
En 2015 et 2016, suite à un financement Europe du Carnot Arts dont le but était de développer des polymères conducteurs en vue d’aller vers la synthèse de matériaux électro-actifs, nous avons pu collaborer avec la startup Dreem® qui développe un casque de sommeil, et mettre au point un matériau élastomérique chargé en nanotubes de carbone pour réaliser les électrodes du bandeau en contact avec la peau. Une présérie de 3000 électrodes a même été moulée par injection au laboratoire pour la fabrication des premiers bandeaux.
Suite à une longue collaboration pour des prestations d’analyse physico-chimique, la société Lectra, numéro un mondial des fabricants de machine de découpe de tissus, nous a demandé en 2018 de collaborer dans le cadre du post-doc de Ghailen Ghorbal pour redéfinir les matériaux et le concept des patins en polymère servant d’appui pour les tissus à découper. La mise en œuvre d’une idée originale conduisant à une rupture technologique nous a permis de déposer deux brevets avec AMVALOR dont un déjà déposé à l’international en vue d’une exploitation rapide sur le nouveau modèle de machine à sortir en 2022.
Enfin, sous l’impulsion d’Alain Guinault, le Pimm vient de signer une convention de collaboration CNAM/Ensam avec la société Valéo dont le but est d’optimiser de l’injection de pièces industrielles dans l’optique de l’industrie 4.0. Il s’agit de mener des projets de R&D bipartites à prendre corps sur les presses à injecter du Pimm situées sur le site du Cnam et du campus de Paris. Ces projets devraient conduire à élargir l’équipement autour des presses par la mise en place de périphériques comme une caméra infrarouge pour mesurer les cartographies de température à l’éjection, un digitaliseur 3D pour mesurer les déformations des pièces et la robotique associée pour la prise de pièce : une prémisse des « Evoluting learning factory » de l’Ensam ? »
28 avril 2021
Le laboratoire Procédés et ingénierie en mécanique et matériaux (Pimm) est une unité mixte de recherche Cnam, Arts et métiers et CNRS (UMR 8006) qui rassemble une vaste gamme de spécialistes allant de la mécanique des matériaux et des structures à la métallurgie et la chimie des polymères, des procédés de mise en forme et d’assemblage aux méthodes avancées de la simulation numérique. Les recherches sur les procédés laser et les procédés de mise en forme des polymères s’appuient sur un vaste ensemble de moyens expérimentaux.