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L’alternance oblige à combiner logiques productives
et formatives. Comment les organisations et les
institutions composent-elles avec ces deux logiques?
France Merhan
: La bipartition des espaces temps de
formation et des temps d’immersion dans des milieux
socioprofessionnels que propose l’alternance ne peut se
réduire à une dichotomie entre d’un côté une logique
productive et de l’autre une logique formative. Du lieu de
formation au lieu de stage, les alternants construisent
leur espace-temps d’apprentissage. Ils s’engagent dans
l’élaboration des savoirs en lien avec leur action profes-
sionnelle tout en étant confrontés à une variété de situa-
tions d’apprentissage dans le contexte de leur
alternance. Ces situations varient en fonction des rôles
qu’ils endossent, des stratégies d’apprentissage qu’ils
mobilisent et des médiations professionnelles à l’œuvre
en situation de travail et de formation. Les modalités
d’apprentissage peuvent relever d’un apprentissage
réflexif, par imitation, par la transmission verbale de
savoirs explicites qui peuvent exister aussi bien en situa-
tion de travail que sur le lieu de formation proprement
dit…. Ce qui est essentiel, c’est de réfléchir aux condi-
tions d’articulation des logiques productives et forma-
tives pour optimiser les possibilités d’apprentissage et
de développement des stagiaires ou apprentis entre les
deux lieux emblématiques de l’alternance.
Jean-François Izamber
t : Depuis cinq ans, nous nous
sommes engagés dans une politique de promotion de
l’alternance, nous permettant de revisiter notre relation
au monde de la formation. Cette année, nous accueillons
ainsi 87 alternants. Pour tout alternant arrivant dans
l’entreprise, il est nécessaire de suivre un processus
d’accompagnement, d’explication sur le fonctionnement
de l’entreprise et son organisation, à l’instar de tous les
nouveaux entrants dans une structure entrepreneuriale.
S’engager dans une démarche en alternance dénote la
curiosité du jeune. Dans notre entreprise, nous organi-
sons l’alternance comme un temps partiel. Il n’y a pas de
difficultés à mettre en place une alternance dans nos
univers tertiaires.
Comment mieux accompagner l’alternant dans son
parcours ?
F. M.
: Il est indispensable que le référent professionnel
soit capable de comprendre et d’analyser finement les
situations de travail offrant de véritables opportunités
d’apprentissage qu’il s’agit de rendre effectivement
accessibles pour l’apprenant tout en prenant en compte
son niveau de développement potentiel.
L’accompagnement doit être une médiation entre le lieu
de travail et le lieu de la formation. Cette posture d’inter-
face peut remplir une fonction essentielle d’apprentis-
sage, si elle est construite comme un espace protégé
offrant à l’alternant un cadre sécurisant dans lequel les
tâtonnements et les essais sont permis… et si les erreurs
sont avérées, elles sont alors analysées dans un esprit
constructif, y compris lorsque les enjeux de production
existent.
J.-F. I.
: Nous travaillons à faire monter en compétences
les alternants sur leur métier. Si nous leur donnons dans
un premier temps des missions plus simples et ponc-
tuelles, en fonction de la manière dont ils s’imprègnent
des missions, nous leur confions des dossiers plus tech-
niques à gérer dans un second temps. Cependant, l’al-
ternance n’est pas une formule magique et ne corrige
pas les déficits de connaissances.
Nous n’avons probablement pas assez de relations avec
le monde de la formation. Celles-ci devraient être plus
structurées. Il est nécessaire pour être plus performant
que nous définissions par exemple mieux notre besoin
REF 2017
Les jeunes sont acteurs de leurs
modes d’apprentissage»
Du 4 au 6 juillet 2017, le Cnam accueillait la 15
e
rencontre internationale du Réseau de recherche en
éducation et en formation. France Merhan, chercheuse et chargée d’enseignement en sciences de
l’éducation à l’Université de Genève, et Jean-François Izambert, directeur des ressources humaines
de ProBTP Groupe, nous livrent leur vision sur les formations en alternance.
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