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Portfolio
Les minerais précieux ne font
pas le bonheur du Katanga…
Avec 87,7% de sa population en dessous du seuil de pauvreté et des inégalités très marquées, la
République démocratique du Congo est un des pays les plus pauvres au monde. Pourtant, le sous-
sol de sa province méridionale recèle de colossales ressources minières. Mais de ces richesses, les
Katangais n’en profitent guère… L’exploitation illégale des minerais, les tensions ethniques génèrent
des conflits persistants.
urgence.org
C
onsidéré comme le « cof fre for t » de la
République démocratique du Congo (RDC), le
Katanga contribue jusqu’à 70% du budget natio-
nal. Son sous-sol compte en effet 10 % des réserves
mondiales de cuivre, 34% de celles du cobalt mais aussi
du fer, du radium, de l’uranium, de l’or et même des dia-
mants. Mais, bien loin de concourir à son bonheur, ses
richesses ont surtout suscité la convoitise. À partir du
XIX
e
siècle, des entreprises européennes, comme
l’Union minière du haut Katanga
1
, exploitèrent ces res-
sources de façon intensive et n’hésitèrent pas à recruter
des ouvriers originaires de différentes ethnies, notam-
ment de la province du Kasaï. Des déplacements de
population qui sont l’une des origines des tensions qui se
perpétuent encore aujourd’hui.
Car, même si le fleuron industriel Gécamines s’est effon-
dré dans les années 1990, aujourd’hui encore, «
le sous-
sol du Katanga est très riche en minerai, notamment en
cobalt et en coltan, que l’on trouve dans tous les appa-
reils électroniques
» souligne Stéphane Biron, chef de
mission au Katanga de Première Urgence Internationale.
Quinze ans après l’installation de l’ONG, l’exploitation
illégale des minerais demeure ainsi au cœur des conflits.
Des groupes d’autodéfense, les Maï-Maï, créés pour
résister aux forces gouvernementales congolaises, sont
rémunérés par des compagnies étrangères pour proté-
ger leurs carrés miniers. «
Ces mercenaires se sont petit
à petit transformés en bandes menées par des seigneurs
de guerre, qui commettent les pires atrocités. J’ai pu
ainsi voir tous les villages le long d’une route de 80 km
détruits et brûlés, lors d’affrontements entre deux
groupes ethniques
» explique l’humanitaire. Ironie de
l’histoire, les friches industrielles sont désormais inves-
ties par des personnes chassées de leur village, les sque-
lettes de machines rouillées devenant les nouveaux
terrains de jeu des enfants.
Après l’exil syrien au Liban et en Jordanie photographié
par Édouard Élias, Première Urgence Internationale a
fait appel à Colin Delfosse pour sensibiliser les publics
au sort des 400 000 déplacés du Katanga. Le photo-
graphe connaît très bien la RDC puisqu’il y a réalisé, en
2007, un premier reportage sur les mines puis un deu-
xième, plus surprenant, sur les catcheurs congolais afin
de donner «
à voir un côté plus optimiste de ce pays
connu sur le plan mondial pour ses richesses minières,
ses guerres à répétitions et les atrocités qui y sont liées
».
Cette fois, ses «modèles » ont en commun d’avoir fuit
devant les raids des Maï-Maï qui les ont privés, du jour
au lendemain, de leur moyen de subsistance : «
les per-
sonnes que j’ai photographiées vivent dans le dénoue-
ment le plus total
[…]
La situation au Nord Katanga est
dramatique — peut-être encore plus que dans d’autres
zones de conflit en RDC, parce que la région est complè-
tement enclavée ; et que les secours y ont difficilement
accès
».
Ce reportage souligne aussi le travail effectué par l’ONG
au Kantanga où elle apporte prioritairement aux popula-
tions son soutien dans le domaine de la santé pour faire
face à l’une des plus importantes crises nutritionnelles
mondiales. Elle tente également de mettre en place des
activités génératrices de revenus notamment grâce à la
formation ou à l’aide au montage de
business plan
.
SG
360 degrés
1: Compagnie
belge qui sera
nationalisée
sous le nom
de Générale
des carrières
et des mines
(Gécamines) en
1966
Retrouvez les
interviews de Colin
Delfosse et de
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