Le Cnam mag' #6 - page 26

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Depuis son apparition en France, le jeu vidéo a-t-il
vraiment évolué?
Les jeux vidéo ont en effet beaucoup évolué depuis les
premiers jeux d’arcade des années 80, principalement
construits autour d’un challenge à accomplir.
Aujourd’hui, le jeu vidéo s’envisage comme une forme
d’art et touche un public varié. Un nombre croissant de
jeux cherche notamment à véhiculer un message d’au-
teur, d’ordre esthétique ou même politique, grâce à un
système narratif avant tout fondé sur l’interaction. En ce
sens, le jeu vidéo a atteint le statut de média interactif.
Par exemple,
September 12th: A Toy World
confronte le
joueur à un village où se cachent des terroristes. Il peut
lancer des missiles pour les tuer, entraînant à chaque
fois des dégâts collatéraux et la mort de civils… qui pro-
voquent la transformation de villageois en nouveaux ter-
roristes. Il est donc impossible de gagner, mais le jeu est
construit pour susciter la réflexion. C’est aussi tout l’en-
jeu des
serious games
, qui utilisent les mécanismes
motivationnels du jeu pour un
objectif qui dépasse le plaisir du
joueur, par exemple à des fins
pédagogiques. Ce qu’on appelle la
gamification, ou ludification, c’est-
à-dire le transfert des mécanismes
du jeu dans d’autres domaines, repose sur ce processus.
Les psychothérapeutes se servent par exemple parfois
du jeu vidéo en le détournant : ils cherchent à créer du
lien avec leurs patients adolescents, à engager une
conversation, en jouant avec lui.
L’évolution est aussi prégnante du côté des utilisateurs.
En 2015, le syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs
(Sell) comptait 53% de joueurs et joueuses réguliers
contre 29 % en 2005
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. Aujourd’hui, 44 % sont des
femmes, avec une moyenne de 7 à 8 heures par semaine
consacrées aux jeux et un âge moyen de 35 ans. Cette
génération a grandi avec les jeux vidéo et a suivi leur
diversification, autant du point de vue des contenus que
des plateformes: PC, smartphones, tablettes, consoles…
Comment peut-on expliquer cet attrait de la
population pour les jeux vidéo?
Des études sont réalisées depuis les années 1980 pour
comprendre cette attirance. Elles montrent qu’il existe
au moins trois raisons psychologiques. D’abord le chal-
lenge : la difficulté d’un jeu vidéo s’adapte afin de
répondre aux besoins du joueur. Un jeu trop difficile crée
du stress et de la frustration, un
jeu trop facile sera vecteur d’ennui.
Ensuite la curiosité : le jeu vidéo
nous place dans des situations
mystérieuses qui suscitent nos
facultés d’apprentissage. Les neu-
rosciences pointent aujourd’hui du doigt les liens entre
nos centres de récompense et les mécanismes d’appren-
tissage : être confronté à des nouveautés cognitives et
Présents en France depuis les années 70, les jeux vidéo ont vu leur nombre de joueurs doubler
en dix ans au point de rivaliser, en matière de revenus, avec le livre et le cinéma. Malgré cela, ils
pâtissent encore parfois d’une mauvaise image : ils seraient violents, abrutissants, stupides, inu-
tiles... Guillaume Levieux, maître de conférences en informatique au Conservatoire national des
arts et métiers, bat en brèche ces clichés, insistant sur leur diversité, leur dimension artistique et
leurs apports cognitifs.
Vu d’ici... avec Guillaume Levieux
Un nombre croissant de jeux
cherche à véhiculer
un message d’auteur»
«
En 2015, le syndicat des édi-
teurs de logiciels de loisirs
comptait 53% de joueurs et
joueuses réguliers contre
29% en 2005
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