Le Cnam mag' #6 - page 29

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Grand angle
Dans les coulisses d’un jeu vidéo
Parmi les secteurs les plus dynamiques de l’économie française, l’industrie vidéoludique n’en reste
pas moins un petit milieu regroupant à l’heure actuelle à peine 12000 professionnels passionnés,
créatifs et techniciens. Pourtant, pour chaque jeu virtuel introduit sur le marché, c’est une multipli-
cité bien réelle d’acteurs et de métiers qui sont mobilisés en studio. Plongée dans le
back-o ce
de la
création d’un jeu vidéo avec Thierry Perreau, responsable des projets et de la spécialité
game design
à l’École nationale du jeu et des médias interactifs numériques (Enjmin) du Cnam.
«
Un jeu vidéo est avant tout produit par une
équipe
, lance Thierry Perreau.
Tous travaillent de
concert. De nos jours, il leur est demandé une
grande culture générale littéraire, cinématographique,
musicale, arts plastiques… À l’Enjmin, certains élèves
viennent ainsi du milieu du cinéma. C’est un fantasme de
penser que les concepteurs de jeu sont avant tout des
gros joueurs
! » En résultent des
jeux dont le contenu visuel et l’his-
toire rivalisent en qualité avec les
productions cinématographiques,
«
même si ces réalisations ne sont pas encore reconnues
à leur juste valeur ! Les concepteurs de jeu vidéo sont
pourtant de vrais artistes
», renchérit-il.
Du
game designer
à l’ergonome
Au tout début de la chaîne de production se situe le
game designer
, un acteur clé, qui fixe les règles du jeu :
«
il décrit les objectifs dans les grandes lignes, prévoit les
principes d’interaction. Il doit avoir une vision globale du
jeu, à la fois graphique et technique, qu’il partagera avec
le reste de l’équipe
», analyse Thierry Perreau. Les gra-
phistes et les programmeur.se.s travailleront ensuite en
parallèle pour donner du corps au jeu. Créateurs des
visuels, du décor, des personnages, les graphistes for-
ment parfois toute une armée, comme pour le projet
Assassin’s Creed
où près de 300 furent mobilisés. Au
sein de cette armada, il existe des animateurs spéciali-
sés dans la mise en mouvement des personnages. À
leurs côtés, les programmeur.se.s traduisent en codes
les règles dictées par le
game designer
. «
Ils les
ramènent souvent sur Terre, leur indiquant ce qu’il est
possible de faire en fonction du temps et du support de
jeu choisi
», insiste Thierry Perreau. Les
sound desi-
gners
créent de leur côté les musiques et les sons ; les
level designers
conçoivent les niveaux de difficulté ; les
ergonomes s’assurent de l’adaptation et de l’accessibilité
du jeu pour le public visé. Et l’ensemble de cette produc-
tion est contrôlée du début à la fin par les chef.fe.s de
projet. Avec le développement de jeux à la narration
riche, des scénaristes et dialoguistes ont depuis une
vingtaine d’années fait leur apparition dans ces équipes
où les métiers s’entremêlent. Révolution notable de ces
dernières années, les femmes ont également investi les
studios de production. «
À l’Enjmin, nous atteignons
presque la parité, tout particulièrement en graphisme.
Les créatrices proposent souvent des choses totalement
nouvelles. Dans les années 1980,
Roberta Williams fut la première à
réaliser un jeu d’aventure gra-
phique, avec
Mystery House. »
Si les gros blockbusters tels que
Call of Duty
ou
Assassin’s Creed
peuvent demander plusieurs années
de réalisation, la moyenne se situe dans les huit mois à
un an et «
même pour un jeu sur tablette, le temps investi
n’est pas anodin
», souligne Thierry Perreau.
Un milieu concurrentiel de 300 entreprises
Troisième marché européen du jeu vidéo après l’Alle-
magne et le Royaume-Uni, avec un chiffre d’affaires
s’élevant à 2,87 milliards d’euros en 2015, la France
affiche un goût incontestable pour ce loisir interactif. Le
nombre impressionnant de sorties vidéoludiques hebdo-
madaires en témoigne : «
pour tablettes, IOS et smart-
phones, c’est une vingtaine de nouveaux jeux chaque
semaine ; cinq pour PC et consoles
», note le spécialiste
des jeux vidéo. Aujourd’hui, ce dynamisme est porté par
plus de 12 000 professionnels créatifs et techniciens,
répartis au sein de 300 entreprises, pour la plupart des
PME comptabilisant moins de cinq années d’activités au
compteur. Un secteur donc de passionnés très concur-
rentiel, où il n’est pas aisé de trouver sa place. Et où il
faut être prêt à additionner les heures de travail : pour
parvenir à tenir les délais, les périodes de
crunch
, c’est-
à-dire de surrégime, obligent parfois à enchaîner les
semaines de plus de 70 heures…!
Aurélie Verneau
Troisième marché européen,
la France affiche un goût
incontestable pour ce loisir
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